Cinq jours. Cinq jours que Damon n'avait pas fermé l’œil de la nuit, bien trop préoccupé par la situation actuelle pour se permettre de se reposer. Le jeune homme savait pertinemment qu'il n'avait aucune chance avec Elena et que le départ de Stefan ne ferait que renforcer son amour pour lui. Pourtant, il voulait y croire: après tout, la jeune femme l'avait embrassé ! Ce n'était pas rien, tout de même ! Tel un disque rayé, Damon ne pouvait s'empêcher de repenser à la scène qui s'était déroulé dans cette même pièce quelques jours auparavant. Le souvenir des lèvres d'Elena frôlant les siennes était merveilleux, délicieux et sucré. S'il n'avait pas reçu l'antidote quelques minutes plus tard, Damon était prêt à jurer que le baiser de la jeune femme à lui seul aurait pu le guérir.

Soudain, son esprit dériva et le jeune homme songea à son frère. Décidément, Stefan était vraiment un imbécile... qu'il s'en aille, passe encore. Mais qu'il fasse souffrir Elena, il en était hors de question ! Exaspéré, Damon attrapa la première chose qui se trouvait à sa portée et l'envoya valser quelques mètres plus loin. Le verre traversa alors la pièce et vola en éclat lorsqu'il percuta le mur. Le jeune homme sourit: c'était bon signe, il reprenait des forces ! Encore quelques jours de repos et il serait en mesure de quitter le manoir. Avec un peu de chance, il arriverait à retrouver Stefan et à le ramener à Mystic Falls. Certes, le sacrifice de son frère l'avait beaucoup touché, mais il ne comptait pas le crier sur tous les toits. La raison officielle serait donc Elena: si Stefan venait à disparaître définitivement, la jeune fille en mourrait sûrement de chagrin.

Perdu dans ses pensées, il mit plusieurs secondes à comprendre que quelqu'un frappait à la porte. Visiblement, son infirmière attitrée était têtue: cela faisait bien 200 fois que Damon lui avait interdit de l'aider. C'était un grand garçon, il était capable de se débrouiller tout seul ! De plus, le jeune homme ne voyait pas bien l’intérêt de ses visite régulières étant donné qu'Elena refusait de lui adresser la parole. Sûrement une question de principe, par rapport au baiser, à Stefan... bref, la situation était ridicule. Bien décidé à montrer qu'il était loin d'être mourrant, Damon se leva et ouvrit la porte de la chambre. Prenant son air le plus arrogant, il regarda Elena et lui sourit:

"C'est à quel sujet ? dit-il avec une voix affreusement mielleuse. Laisse-moi deviner, tu..."

Tout à coup, la douleur paralysa le corps de Damon dont le visage se crispa. Visiblement, il avait un peu trop présumé de ses forces. Avec un bruit sourd, le jeune homme s'effondra sur le sol.

Les mains tremblantes, Damon s'effondra sur le sol, exténué. Il était vraiment pitoyable: il voulait prouver qu'il allait mieux et trois malheureux pas suffisaient à l'épuiser. S'il n'était pas si mal en point, le jeune homme se serait sûrement frappé. Son esprit était encore embrumé lorsqu'il entendit un son, ou plus précisément un cri. Damon esquissa un sourire: Elena s'était finalement décidée à parler. Se voulant rassurant, il leva le bras avant de le laisser aussitôt retomber, submergé par la douleur. Soudain, il sentit des mains le relever et sa tête de posa d'elle-même sur l'épaule de la jeune femme. Cette dernière lui ouvrit la bouche et y versa quelques gouttes du précieux antidote. Avec un effort qui lui sembla surhumain, Damon avala le liquide et failli s'étouffer avec. Plusieurs quintes de toux plus tard, il comprit qu'il allait déjà mieux. Être le patient d'Elena ne l'amusait pas mais il devait bien avouer que le jeune fille lui était d'une grande aide.

"Damon, ça... ça va ? s'enquit alors une petite voix.
- Je crois, oui, répondit le vampire en baissant les yeux. À propos je... merci Elena.

Sentant le rouge lui monter aux joues -ce qui était somme toute assez ridicule-, le jeune homme se releva en grognant et s'appuya sur le rebord d'une table. Il entreprit ensuite de se coucher et se dirigea vers son lit, suffisamment lentement pour écarter tout risque de chute. Vouté comme il l'était, Damon avait l'impression d'avoir pris cinquante ans d'un coup; on aurait dit une personne âgée qui se retrouvait sans sa cane ! Une fois allongé, il regarda Elena et lui dit, d'une voix qui se voulait assurée:

"Puisque tu es là et que, visiblement, ta langue est de nouveau en état de marche, je voudrais que tu écoutes attentivement ce que j'ai à te dire. D'ici quelques jours, quelques semaines au plus tard, je serai sur pied. Or, j'ai longtemps hésité avant de te le dire mais je pense désormais que tu as le droit d'être mise au courant, j'ai décidé d'aller chercher Stefan. Je suppose que tu n'y vois aucun inconvénient ?" ajouta le jeune homme avec une moue ironique.

Et voilà. Damon venait de lâcher une bombe, et il se doutait bien qu'Elena pouvait exploser d'un instant à l'autre...

En prononçant ses derniers mots, Damon crut un instant qu'Elena allait s'évanouir. En effet, la jeune femme venait de s'affaler sur le lit telle une poupée de chiffon, les yeux écarquillés. Le vampire savait que son annonce avait de quoi en surprendre plus d'un, mais de là à tourner de l’œil... Cependant, le jeune homme réalisa bien vite que le visage de son infirmière ne reflétait pas la surprise mais une colère grandissante qui menaçait d'exploser à tout moment. En effet, la réaction d'Elena ne se fit pas attendre:

- Aucun inconvénient, dit la jeune femme d'une voix blanche. Aucun inconvénient ? Espèce d'imbécile ! rugit-elle. Tu crois que ça ne suffit pas d'avoir perdu Stefan, il faut aussi que je... que tu... que tu ailles te suicider histoire d'être sûr qu'il n'y a aucun espoir de te.. de le... Raah !

Oups ! À en juger par le ton hystérique de sa réponse, le jeune vampire avait vraiment réussi à la mettre en rogne. Bien joué Damon, toi qui voulait obtenir son accord, c'est bien parti ! pensa le jeune homme. Soudain, une idée farfelue lui traversa l'esprit: est-ce qu'Elena venait de s'inquiéter pour lui ? Non, impossible ! Pourtant, Damon en aurait mis sa main à couper: au-delà de la colère, une pointe d'inquiétude avait percé dans la voix de la jeune femme. Bien que cela n'ait aucun sens, le vampire ne put retenir un sourire. Alors qu'il allait lui répondre, son objectif lui revint à l'esprit telle une immense claque, et son visage se figea. Elena ne devait pas s'attacher à lui ! Au contraire, elle devait le détester ! Autrement, jamais il n'aurait la force de partir ! En effet, Damon avait caché le véritable but de sa mission: il irait délivrer Stefan, ça oui, c'était son devoir de grand frère. Mais ce qu'Elena ne savait pas, c'était que le vampire n'avait jamais eu l'intention de revenir. La situation à Mystic Falls était bien trop compliquée et vivre avec Elena lui était de plus en plus douloureux. Depuis leur rencontre, le jeune homme avait cru de nombreuses fois qu'il avait une chance; mais sa bien-aimée revenait toujours vers son petit frère. Après tout, elle l'avait prévenu: ce serait toujours Stefan. Avec un peu de chance, Klaus me tuera, ça règlerait le problème une bonne fois pour toute, songea Damon en esquissant un second sourire.

Comme venu de nulle part, il vit tout à coup un coussin se rapprocher dangereusement de son visage. Sa réaction fut alors instinctive: il saisit son assaillant par les les épaules, se redressa et précipita ses crocs vers son cou. Damon espérait ainsi effrayer la jeune fille; s'il se montrait exécrable, elle finirait sans doute par lâcher prise ! Il prit alors sa voix la plus menaçante et murmura à l'oreille d'Elena:

- Écoute-moi bien, je suis peut-être diminué mais je suis encore un vampire. Et si tu crois que le fait d'être la petite amie de mon frère m'empêchera de t'arracher la tête au prochain coup de ce genre, tu te trompes lourdement.

Damon aurait tout donné pour rester quelques secondes dans cette position, collé ainsi à la jeune femme. Il respira une dernière fois le parfum envoutant des cheveux d'Elena et desserra son étreinte.